Océanes n° 51 – mai 2002
Chanter pour le plaisir

« Chanter pour donner de soi, pour recevoir des autres et, surtout, pour passer un bon moment »

De 18 à 62 ans, les chanteurs du groupe vocal « Phaella » parlent tous à l’unisson : pour eux, le chant est même un art de vivre.
Instituteur, étudiant, retraité, infirmier, mère au foyer… chaque mardi, de 20 h à 23 h, ils sont une quarantaine à se retrouver à la SAM d’Aplemont qui, dans son atelier chant, à vu naître cette formation d’amateurs passionnés. Cordes à nœuds et échelles de musculation ne troublent pas ces experts du diapason qui ne manqueraient sous aucun prétexte leur rendez-vous hebdomadaire.
L’objectif est commun : chanter. Rien que pour le plaisir, pour le gospel et le negro spiritual. « Phaella » puise en effet son inspiration dans le répertoire des célèbres chants religieux des Noirs de l’Amérique du Nord. Sous la direction du chef de chœur Marc Pillon, professeur de chant au Centre d’expression musical
du Havre, et du pianiste Emmanuel Bordage, chacun travaille sa voix, la pousse dans ses retranchements et, « au-delà de la mélodie, cherche l’harmonie des sons, des couleurs et des corps ».
Le gospel entraîne alors ses interprètes au-delà des mots ; et c’est en rythme et en mouvements que l’on s’offre, toujours pour le plaisir, le traditionnel Nobody knows the trouble I see…
Gospel, talent et passion « Pensez à ce que vous chantez, lance le chef de chœur, ça vous donnera de la couleur ! ». De couleurs, en
effet, il n’en manque pas et la danse des Noirs nord-américains n’est plus très loin… « Un pur moment de bonheur au cours duquel je ee vide moralement et j’en arrive à oublier mes soucis professionnels », confie ce quadragénaire qui reconnaît par ailleurs ne pas savoir déchiffrer une partition. Mais que l’on ne s’y
trompe pas : le groupe vocal ne se contente pas d’à-peu-près : Marc Pillon prend le temps de réaliser un travail individuel avec chaque choriste : « aider chacun à aller au fond de soi, à travailler son instrument – c’est à dire sa voix – pour mieux transmettre son émotion, c’est ainsi, et ensemble, que nous avançons ».
Quelques choristes en redemandent : quatre d’entre eux ont formé un quatuor qui, au prix d’heures de répétitions supplémentaires, se produisent avec brio au sein du groupe. Pas de fausse note donc et le courant passe en toute harmonie entre chef de choeur et chanteurs, entre pianiste et solistes, entre artistes
et spectateurs.
Difficile de rester de marbre devant tant de talent et de passion. Et impossible de ne pas fredonner, entre deux morceaux choisis de negro spirituals, la fameuse réplique du Mariage de Figaro : « Tout finit par des chansons »…

Marie Héron